USA : les plages se couvrent de débris du tsunami japonais

Une mortalité massive des étoiles de mer, de la Californie à l’Alaska. Voilà le dernier mystère de la côte ouest des Amériques, depuis Fukushima. On y trouve habituellement des débris venus de l’Asie, portés par le courant trans-pacifique. Ceux du tsunami qui a frappé le Japon en 2011 n’ont pas manqué. Mais aujourd’hui, les riverains s’inquiètent de la contamination de l’eau.

C’est un des endroits les plus propres du monde, du moins beaucoup le pensaient-ils. Seule une petite route longe l’océan en Californie, el camino real, le chemin qui reliait les missions catholiques espagnoles de Los Angeles à San Francisco. Une route à deux voies, qui ne fut jamais élargie, malgré les tentatives fréquentes de l’Etat.

Et tout le long, les preuves abondent que les humains d’Europe et d’Asie n’ont pas vécu deux siècles sur ce pays : vols de mouettes assez denses pour cacher le soleil, baleines près du rivage, cyprès vieux de mille ans, accrochés au dessus des vagues ; et de l’autre côté, des aigles, des biches et des forêts de séquoias géants qui vous réduisent à la taille de lutins. Les beachcombers [« peigneurs de plage »] qui passent la plage au peigne fin et, pour certains, habitent des maisons en bois flotté, le savent. Dès l’accident de Fukushima, qui se situe en gros face à San Francisco, ils s’attendaient à trouver des débris.

Mais pour commencer, bien sûr, est venu le vent d’ouest, porteur d’iode 131. Demi vie : huit jours. Inactif donc, maintenant, plus de risque de ce côté. Plus ennuyeux, le césium 137, d’une demi vie de trente ans. Au moment de l’accident, en mars 2011, les rayonnements de l’air et du lait ont augmenté, très peu, pour retomber très vite aux valeurs du bruit de fond établies depuis les essais nucléaires des années 60- 80,selon le Département de Santé Publique de Californie (CDPH) qui les surveille.

Ensuite, sont venus les débris du raz de marée, fragments des 5 millions de tonnes de matière arrachées au Japon. Ils arrivèrent en 2012 comme l’avait prévu le laboratoire Scripps de l’université de San Diego. Puis on a ramassé, en Californie, les premiers flacons en plastique, marqués de caractères japonais. Etaient-ils dangereux ? Le public s’inquiétait. Les chercheurs répondaient que c’était sans précédent et qu’on ne savait pas. Les objets de ce type auraient dû finir dans la Grande Ile de Plastique ( plastic patch ) au centre du Pacifique. Mais deux typhons les ont depuis réduits en miettes et la grande île de détritus n’est plus.

En 2013, des naturalistes ont signalé des épidémies sans se les expliquer : ours polaires, phoques et otaries mouraient en Alaska. Les harengs du Canada perdaient du sang par les branchies, selon l’Agence France Presse. Les otaries de Californie ne pouvaient plus se reproduire et les étoiles de mer sont mortes par millions.

Du nord au sud, sur le rivage, elles ont blanchi, perdent des bras et fondent en bouillie. On a vendu des crabes vidés de toute chair sur les étals de Los Angeles. Les habitants du littoral, amis de la faune, se sentent à l’abandon.

Les chercheurs s’interrogent. Enfin, pas tous. Le professeur Peter Franks du laboratoire Scripps à l’université de San Diego, s’indigne : « J’en ai vu des mortalités, depuis le temps. Je ne dirai pas tous les ans, mais toutes les quelques années, déclare-t-il au téléphone à Reporterre. Tout d’un coup, la plage se couvre de calmars. C’est malade de relier ça à la radio-activité. C’est le plus grand océan du monde ! »

Franks nous aiguille tout de même vers son confrère Ken Buesseler, du laboratoire Woods Hole, du Cap Cod, au bord de l’Atlantique, qui surveille la radioactivité de la côte ouest. Depuis l’Atlantique ? Mais oui, personne d’autre ne veut s’en occuper.

Le césium 137, par exemple, contamine l’eau, nous explique Buesseler, chimiste de l’océan. 1% se piègent dans les sédiments, mais 99 % passent dans les sels en solution dans l’eau de mer. Ses appareils, ultra sensibles, ne détectent pas encore d’augmentation. Il escompte la déceler dans deux ans, au rythme des courants. Les objets flottants vont plus vite parce que les vents les poussent.

« Le gouvernement ne veut pas s’en charger, dit Buesseler, ce sont des mesures trop fines, ça ne l’intéresse pas. Mais les gens là bas sont très inquiets et ils payent des impôts. J’estime qu’ils ont le droit de savoir « .

D’où l’idée de les impliquer dans la collecte des échantillons marins, sur douze mille kilomètres de côtes, entre l’Amérique et Hawaï, ou dans le financement de cette recherche. Plus de mille personnes ont répondu. Ça rappelle le temps de Tchernobyl : il faut une organisation à but non lucratif, autrefois la CRIIRAD en France, aujourd’hui Woods Hole aux Etats-Unis, pour dévoiler la vérité.

Source : Marie Paule Nougaret pour Reporterre
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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