Tout savoir sur les « nouveaux OGM »

Nouveau signe des inquiétudes suscitées par les « nouveaux OGM », une manifestation a eu lieu mercredi 6 avril devant l’école AgroParisTech, à Paris, où devaient se réunir, en assemblée plénière, les membres du Haut Conseil des biotechnologies (HCB). Leur réunion a dû être annulée du fait de la manifestation.

maisA l’initiative du mouvement, huit associations qui ont suspendu depuis février leurs travaux avec le HCB sur les nouvelles techniques de modification génétique : Les Amis de la Terre, la Confédération paysanne, la Fédération nationale de l’agriculture biologique, France nature environnement, Greenpeace, le Réseau semences paysannes, l’Union nationale de l’apiculture française, et l’Association de consommateurs Cnafal. Elles protestent contre « la falsification de l’expertise scientifique officielle » et « les OGM cachés ». Explications.

Ces « nouveaux OGM », qu’est-ce que c’est ? Les OGM classiques sont obtenus par transgenèse : un gène provenant d’un autre organisme est introduit dans le génome d’une plante pour lui conférer une propriété particulière. Par exemple, le pouvoir de sécréter un insecticide qui la protège des ravageurs − comme le maïs MON810 de Monsanto, actif contre la pyrale −, ou une résistance aux herbicides, qui lui permet de survivre à un désherbant comme le Roundup, de la même firme américaine.

Les nouveaux OGM, fruits de nouvelles techniques de modification du génome plus précises (ou NPBT, pour « New Plant Breeding Techniques »), sont généralement issus d’une mutagenèse dirigée. Des mutations ciblées sont provoquées dans le génome d’une plante. Parmi tous les mutants obtenus, sont sélectionnés ceux qui possèdent les propriétés recherchées : meilleur rendement, résistance aux parasites, tolérance à la sécheresse…

Il s’agit d’organismes génétiquement modifiés, selon la définition de la directive européenne 2001-18 qui précise que sont OGM les « organismes, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ».

Toutefois, selon ses promoteurs, dans la mesure où ils ne font qu’accélérer un processus de mutation qui se produirait également dans la nature, il n’y a pas de différence, au final, entre les mutants naturels et artificiels.

Comment sont-ils réglementés ? Les OGM classiques sont réglementés au niveau européen. Les aliments contenant plus de 0,9 % d’OGM sont obligatoirement étiquetés comme tels (à l’exception de la viande issue d’animaux d’élevage nourris aux OGM – un cas de figure beaucoup plus fréquent que les OGM dans l’alimentation humaine).

Avec les NPBT, toutefois, ces réglementations restent incertaines. Les « nouveaux OGM », qui ont vu le jour après ces textes, échappent en effet au statut juridique des OGM. Pour l’instant, la Commission européenne a demandé aux Etats « d’appliquer jusqu’à nouvel ordre la réglementation OGM à toutes les plantes issues des NPBT », explique Guy Kastler, de la Confédération paysanne.« Aujourd’hui, les directives [liées aux OGM] s’appliquent donc toujours, malgré le lobbying forcené de l’industrie qui souhaite qu’elles ne s’appliquent plus. » Car si ces produits ne sont plus catalogués comme OGM, ils échapperaient aux procédures d’évaluation des risques, d’autorisation, d’étiquetage, de suivi… ainsi qu’à la mauvaise image dont pâtissent les OGM en Europe.

Crise au Haut conseil des biotechnologies : Cet organisme a été créé en 2009 pour développer une expertise à l’intention des pouvoirs publics sur les nouvelles technologies, comme les OGM.

Le 22 avril, les associations à l’initiative de la manifestation de mercredi, membres du Comité économique, éthique et social (CEES) du HCB, ont décidé de boycotter cette instance, l’accusant de ne pas respecter « la pluralité du débat », et même de « censure ». Elles lui reprochent de ne pas avoir intégré, dans un document sur ces NPBT publié le 20 janvier, l’avis divergent d’Yves Bertheau, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui a depuis démissionné du Conseil scientifique du HCB.

Quels sont les risques ? Si les associations craignent que ces « nouveaux OGM » ne soient pas intégrés à la réglementation OGM, c’est d’abord parce qu’ils échapperaient alors à l’étiquetage des produits OGM en UE, et donc à l’information des consommateurs.

Autre risque, selon Guy Kastler, de la Confédération paysanne : une nouvelle réglementation encadrant ces techniques pourrait « évaluer le gène modifié, et non la plante entière, comme le fait la réglementation OGM actuelle ». Or dans ce cas, « on n’évalue pas les effets non intentionnels des modifications génétiques dans la plante, effets qui posent problème pour la santé ou l’environnement ».

La Confédération paysanne pointe enfin le risque de biopiraterie. En effet, ces nouvelles techniques permettent de modifier un gène sans que cette modification ne soit détectable dans la plante commercialisée, à l’inverse des OGM classiques. Même si l’organisme est bel et bien génétiquement modifié, les industriels peuvent décrire le gène modifié comme en en tout point semblable à un gène « natif », prétendant alors « que rien ne permet de distinguer ses nouveaux végétaux génétiquement modifiés des plantes qui existent déjà ou qui sont issues de procédés conventionnels non OGM ». Par conséquent, relève la Confédération paysanne, « cette absence de distinction permet à l’industrie de revendiquer la propriété industrielle de toutes les plantes cultivées porteuses d’une “information génétique” similaire à celle décrite dans ses brevets ».

Source : LE MONDE  08.04.2016 Par Angela Bolis (Extraits)
Crédit photo : By Zeynel Cebeci (Own work) [CC BY-SA 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikimedia Commons

 

 

 

 

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