Le rapport partial de l’INRA sur l’agriculture bio : les politiques s’en mêlent. Suite à la révélation de la bronca des scientifiques contre un rapport jugé partial sur l’agriculture biologique, la direction de l’INRA sort de son silence. Reporterre publie sa réponse. Des responsables politiques interpellent de leur côté le ministre de l’Agriculture.
L’INRA (Institut national de la recherche agronomique) a fini par réagir à l’article publié lundi sur Reporterre, dans lequel nous révélions que 119 chercheurs contestent un document présenté comme une grande synthèse de l’INRA sur l’agriculture biologique.
Dans un courrier adressé au PDG de l’INRA, avec copie envoyée au ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll (à télécharger ici : http://www.reporterre.net/spip.php?article5428 ), des scientifiques issus de plusieurs organismes prestigieux de la recherche publique (INSERM, INRA, CNRS notamment) exposent en onze pages très denses pourquoi ce rapport est scientifiquement « très critiquable ».
Par exemple, le document va jusqu’à proposer dans ses recommandations d’autoriser certains pesticides de synthèse en agriculture biologique, afin d’améliorer ses performances !
La direction de l’institut avait refusé de répondre à nos questions. Hier soir, elle est sortie de son silence et a adressé un courriel à quelques journalistes et a discuté avec Reporterre.
Jean-François Launay, directeur du cabinet et de la communication de l’INRA, nous indique que « l’INRA n’entend pas retirer ce rapport qui constitue une opportunité de dialogue. » Il rappelle qu’une réunion avec les signataires du courrier est prévue le 20 mars.
L’INRA rend également publique une réponse de son président, François Houllier, à la lettre des chercheurs.
Dans une lettre datée du 10 janvier 2014, François Houllier leur propose de « prolonger le débat de manière constructive »lors d’un « atelier d’échange ». Il écrit également que « ce rapport s’inscrit dans une dynamique d’intérêt scientifique pour l’agriculture biologique, que l’Inra intensifie sous ma présidence. » Une façon de répondre aux critiques sur le manque d’investissement de l’INRA dans la recherche en agriculture biologique.
La direction affirme avoir fait parvenir une réponse argumentée au collectif de scientifiques. « Nous n’en avions pas connaissance ! » s’étonne l’un des signataires de la lettre à l’INRA. « Un courriel nous a indiqué vendredi que nous aurions une réponse écrite, mais on nous l’avait promise pour mars, après le salon de l’agriculture. »
La réponse de l’INRA compte cinquante pages, soit cinq fois plus que le courrier envoyé à l’institut par les chercheurs… L’INRA y juge que ce courrier des chercheurs a un « caractère quelque peu particulier (…) dans la mesure où il est très souvent rédigé en extrayant des extraits de phrase et de paragraphes en omettant l’ensemble du texte dans lequel s’inscrivent lesdites phrases et paragraphes, et en tirant de ces extraits des interprétations qui ne nous semblent pas refléter le contenu de l’ensemble de l’écrit. »
Enfin, M. Launay indique au téléphone que la direction de l’INRA ne « conteste pas l’intérêt d’un débat sur le sujet. » Mais affirme qu’il doit avant tout avoir lieu avec les auteurs de la critique du rapport : « Nous ne souhaitons pas nous exprimer sur le sujet sachant que nous n’avons pas encore discuté du sujet avec les pétitionnaires. »
Des parlementaires se saisissent du sujet. La révélation de cette lettre a également suscité plusieurs réactions politiques. Brigitte Allain, député Europe-Ecologie Les Verts de Dordogne, envoie aujourd’hui une question écrite au ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll. La députée « prend acte de la contestation sans précédent auquel ce rapport donne lieu dans la communauté académique. De plus, elle s’étonne des conclusions particulièrement négatives et partisanes qu’il formule sur l’agriculture biologique française.«
Elle reprend les requêtes des scientifiques contestant le rapport et demande au ministre « s’il envisage de retirer cette publication et de demander une expertise scientifique collective ».
Le sénateur écologiste du Morbihan Joël Labbé a également annoncé avoir envoyé un courrier à Stéphane Le Foll.
Source : Reporterre Crédit photo : http://www.afrodeau1.com/