Sur l’île El Hierro, dans les Canaries, l’autonomie énergétique n’est plus une utopie. La production électrique est assurée par une triple installation, thermique, hydraulique et éolienne. Brièvement, il y a quelques jours, le taux d’énergies renouvelables est passé à 100 %.
Samedi 9 août 2015, entre 12 h 30 et 14 h 30, l’île El Hierro, la plus à l’ouest de l’archipel des Canaries, n’était alimentée en électricité que par des éoliennes et par une centrale hydraulique. L’exploit est loin d’être anecdotique et nous est expliqué sur Climat’O, le blog d’Alain Gioda sur Futura-Sciences. Depuis juin 2014, une centrale hydro-éolienne est en activité sur El Hierro.
Constituée d’un parc éolien et d’une usine hydroélectrique, elle vient compléter une centrale thermique à fioul. Chacune de ces trois unités peut fournir jusqu’à environ 11 MW, leurs parts respectives dans le courant électrique destiné aux 8.000 habitants, plus les touristes, étant ajusté en permanence. Pour l’île espagnole, ce projet, complété par une usine de dessalement d’eau de mer, est un grand enjeu d’indépendance énergétique, alors que, jusque-là, toute la production d’électricité dépendait des navires qui apportent le fioul.
L’eau sert à stocker temporairement l’énergie. Ce samedi, donc, durant deux heures, la production de la centrale thermique était de 100 %. Pourquoi n’est-ce pas arrivé plus tôt ? « Parce que ce n’est pas facile, nous explique Alain Gioda. Il faut savoir prendre son temps. Si on court, on n’y arrive pas. À El Hierro, on prend son temps… et on y arrive. » Les techniques employées sont éprouvées, souligne ce spécialiste du climat et des énergies renouvelables. Les éoliennes sont d’une marque honorablement connue, de la gamme des 2 MW, et l’usine hydraulique est « prévue pour un siècle ».
C’est en fait une station de transfert d’énergie par pompage (STEP), qui utilise deux bassins installés en montagne à deux altitudes différentes. Lorsque la production d’électricité est supérieure à la demande, l’eau du bassin inférieur est pompée et envoyée plus haut. Elle peut ensuite être relâchée et actionner des turbines. C’est donc un système de stockage d’énergie et de lissage de la production. En France, la première a été créée dans les Vosges autour de 1930 entre le lac Noir et le lac Blanc, et a fonctionné jusqu’en 2002.
Une installation emblématique pour les communautés isolées : La difficulté est celle du pilotage, pour mélanger habilement ces trois sources, vent, eau et fioul. L’un des intérêts de l’installation d’El Hierro est que cette opération est visible par tous. Un site Web de la REE (le réseau espagnol d’électricité) permet en effet de suivre la production en temps réel. Les esprits curieux pourront voir de près comment varie la production d’un champ d’éoliennes. « J’aimerais autant de transparence en France… ne manque pas de remarquer Alain Gioda. Grâce à cette diffusion de l’information, on voit vraiment la réalité de la production. »
L’île veut aller plus loin et réfléchit depuis des années à s’appuyer sur des véhicules électriques pour les transports. En quelques années, cette petite île est devenue exemplaire de l’exploitation des énergies renouvelables pour les petites communautés isolées, les ZNI, ou zones non interconnectées en langage administratif. Le cas est même emblématique depuis la déclaration d’El Hierro, sous l’égide de l’Unesco.