En sciences naturelles, rien ne vaut les travaux pratiques, surtout quand des vies sont en jeu. Et pour trouver les bons champignons, mieux vaut une balade en forêt avec des experts si l’on ne veut pas se retrouver parmi les quelque 1.300 personnes intoxiquées chaque année en France.
Un beau dimanche matin de fin septembre, une soixantaine de cueilleurs, répondant à l’invitation de la Société mycologique de la Sarthe, se retrouvent panier d’osier en main en forêt de Bercé, au sud du Mans. Objectif: une chasse aux champignons pour apprendre à distinguer la bête qu’on déguste de celle qui tue.
Petit conseil avant de partir: bien dégager le champignon à l’aide d’un couteau afin de le sortir du sol en entier. C’est bien souvent grâce à la base du pied que l’on identifie le champignon, notamment la sinistre amanite phalloïde, reconnaissable à sa « volve », son pied sphérique, rappellent nos guides d’un jour.
« On ne s’improvise pas ramasseur de champignons », avertit André Février, qui préside l’association sarthoise. « Ca ne s’apprend pas dans les livres », souligne-t-il, expliquant qu’une photo ne suffit pas à reconnaître l’espèce à laquelle on a affaire: il faut pouvoir regarder le champignon sous toutes les coutures, mais aussi le palper, le gratter, ou encore l’ouvrir pour voir s’il change de couleur au contact de l’air…
Christophe, 15 ans, vient de ramasser un champignon à l’air plutôt inoffensif. « C’est un paxille enroulé« , observe immédiatement André Février, « Il y a 20 ou 30 ans, ce champignon était considéré comestible. Il est aujourd’hui mortel ».
Après deux petites heures de cueillette, les chasseurs se rassemblent autour de quelques tables sur lesquelles ils déposent le produit de leur récolte, mélangeant champignons comestibles et toxiques. Reste à les répartir selon les grandes espèces: amanites, bolets, russules, tricholomes…
Surprise: l’amanite phalloïde a plutôt l’air appétissant. Avec son beau chapeau couleur bronze (mais aussi parfois blanc…), son anneau parfois à peine visible, pas étonnant qu’elle soit à l’origine de 90% des intoxications.
« Il paraît qu’elle a bon goût. C’est traître », souligne Mathilde Gueny, qui se passionne depuis 40 ans pour les champignons au sein de l’association.
Un bel exemplaire circule parmi la foule pendant qu’André Février détaille les maux qui suivent l’ingestion et peuvent entraîner le pire: la semaine dernière, un homme de 60 ans est mort après avoir mangé des champignons dans le Maine-et-Loire.
« Je ne veux pas toucher », déclare une dame affolée à la vue du champignon tueur. « Il nous fait peur, on ne va plus jamais aller aux champignons », commente sa voisine, pendant qu’un monsieur philosophe: « La sagesse commence par la peur ».
Il n’existe « aucun moyen infaillible » de reconnaître les champignons, avertit André Février, qui recommande aux amateurs d’adhérer à une association et de participer à des sorties, comme celles que sa société organise presque chaque semaine à l’automne.
« Si vous entendez quelqu’un qui dit +Je m’y connais en champignons+, vous tournez les talons », conseille-t-il. Autre conseil: les champignons ramassés en forêt doivent systématiquement être cuits, certaines espèces étant toxiques lorsqu’elles sont crues.
Des sociétés mycologiques existent dans plus d’une cinquantaine de départements. Celle de la Sarthe tient une permanence le lundi au Mans pour permettre aux ramasseurs de faire expertiser leur récolte du weekend.
Selon l’Institut de veille sanitaire, environ trois décès et une vingtaine de cas graves sont imputables aux champignons chaque année en France. Cette année, le docteur Robert Garnier, du Centre antipoison et de toxicovigilance de Paris, constate « plutôt moins » d’intoxications que d’habitude, tout simplement parce que, pour des raisons climatiques, 2015 n’est pas une année à champignons…
Source : JUPILLES (France), 2 oct 2015 (AFP)
Crédit photo : Par Alaricmalabry (Travail personnel) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons