Après des années de lutte, les associations de protection de la mer ont obtenu de l’Europe, le 30 juin, l’interdiction de la pêche au-delà de 800 mètres de profondeur. Il reste à universaliser cette mesure indispensable pour la santé des fonds marins.
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Enfin ! Le chalutage en eau profonde va être interdit en Europe. Les trois institutions européennes (Commission, Parlement et Conseil) ont adopté, jeudi 30 juin, une série de mesures essentielles pour la protection des écosystèmes profonds européens. Depuis les années 1970-1980, cette pratique détruit les fonds marins à une vitesse alarmante. La prohibition du chalutage à une certaine profondeur est une avancée historique pour la préservation des espèces et des milieux aquatiques.
L’Europe interdit désormais le chalutage de fond au-delà de 800 mètres. Cette technique de pêche, qui consiste à tirer de gigantesques filets lestés le long des fonds marins, détruisant tout sur leur passage, est à l’origine d’une catastrophe environnementale. Les coraux, éponges et autres habitats vulnérables, vieux parfois de quelques milliers d’années, ne peuvent se régénérer face aux cadences de l’industrie de la pêche. « Interdire le chalutage au-delà de 800 mètres permettra de mettre fin à la déforestation sous-marine qui a lieu aujourd’hui sans aucune contrainte légale jusqu’à 2.000 mètres de profondeur », affirme Claire Nouvian, présidente de l’association Bloom, qui se bat contre la pêche en eau profonde depuis des années. Le 29 mars dernier, lorsque le groupe Les Mousquetaires (propriétaire des filiales Intermarché) annonce dans un communiqué mettre fin à sa pratique de chalutage en eau profonde au-dessous de 800 mètres, il impose ce qui sera le fruit d’un compromis entre les législateurs européens, soit la limite retenue dans l’actuel accord européen. « D’un point de vue scientifique, 600 mètres aurait été plus à même de protéger les écosystèmes vulnérables, mais la France et l’Espagne se serait opposées au projet », admet Claire Nouvian.
Autre point important de l’accord, des études sur l’impact environnemental de la pêche devront être réalisées par les navires « ciblant » les espèces profondes. Il est convenu que des scientifiques répertorient les zones exploitées par les pêcheurs entre 2009 et 2011 déterminant ainsi« l’empreinte de pêche ». Si un navire souhaite exercer son activité hors de cette zone, une étude devra être menée au préalable pour vérifier la présence ou non d’écosystème marin vulnérable. Si la portée de la pêche s’avère dangereuse pour ces espèces, elle sera considérée comme interdite.« La période de délimitation de l’empreinte de pêche a fait l’objet de nombreuses négociations, mais nous espérons que ce système garantisse un contrôle rigoureux des activités maritimes. Les ONG resteront attentives lors de l’entrée en vigueur de l’accord, qui devrait être en janvier 2017 »,explique Sandrine Polti, de la campagne « eau profonde » pour l’association Pew Charitable Trust.En cas de rencontres avec des écosystèmes marins vulnérables au-dessus de la limite des 800 mètres, les chalutiers doivent cesser immédiatement leur activité et la reprendre 5 milles marins plus loin, soit environ 9 km. Cette règle de « l’évitement », baptisée « move on rule », nécessite un contrôle externe, d’où l’assignation d’observateurs pour veiller au respect de la règlementation.
Auparavant optionnel, les observateurs deviendront obligatoires dans 20 % des flotilles de chaque membre de l’Union européenne qui exercent leurs activités dans les eaux européennes et internationales de l’Atlantique nord-est. « Nous avons mis en place des mécanismes de collecte de données, notamment au travers des observateurs, pour être plus attentifs à des milieux marins encore très méconnus. Ce qui nous permettra par la suite d’adapter si nécessaire la législation à la préservation des écosystèmes », explique Yannick Jadot, député européen Vert et rapporteur du texte.
Le point faible de l’accord : son champ d’application.
En restant limité aux eaux européennes, des pays comme l’Espagne, dont l’essentiel de l’activité se situe dans les eaux internationales, pourront continuer à pratiquer une pêche irresponsable sans en être inquiétés.
Les lobbies de la pêche industrielle ont mené une bataille contre les associations de défense de l’océan regroupée au sein de la coalition Deep Sea Conservation Coalition. Selon cette dernière, les résultats auraient pu être plus ambitieux aux vues de la proposition initiale de la Commission européenne, renforcée par le Parlement, qui prévoyait une application étendue aux eaux internationales.« La rapporteure française Isabelle Thomas, élue de gauche, aurait dû se battre pour défendre la position du Parlement et atteindre un compromis mais au lieu de cela, elle a fait le jeu de la droite espagnole. Cherchez l’erreur ! analyse Claire Nouvian, créatrice de l’association Bloom.
Sa loyauté ne semble s’exercer qu’envers les lobbies de la pêche industrielle. De fait, Isabelle Thomas est marraine du lobby le plus actif en France, Blue Fish, et ce conflit d’intérêts inacceptable a eu un impact très regrettable sur la portée du règlement. »
« On a effectivement perdu sur la zone d’application, le Conseil, sous l’influence des lobbies, n’a rien voulu savoir, dit Yannick Jadot. Malgré tout, on ne peut nier l’avancée que représente cet accord. Avant, il n’existait aucun règlement spécifique sur ce dossier. »L’accord est l’aboutissement de quatre années de procédures administratives. En collaboration avec une quinzaine d’associations membres du Deep Sea Conservation Coaliation, Bloom rappelle le rôle de l’opinion publique : « Sans l’extraordinaire mobilisation des citoyens, sans la volonté d’Intermarché d’en finir avec la destruction des océans profonds et le massacre d’espèces menacées d’extinction, l’Europe n’aurait pas franchi une étape aussi majeure pour la protection des océans profonds », conclut la directrice de l’association, Sabine Rosset.
Source : https://reporterre.net
Crédit photo et lien pour la BD-Pénélope Bagieu : http://www.penelope-jolicoeur.com/2013/11/prends-cinq-minutes-et-signe-copain-.html