Vivre un an sans huile de palme, le bilan

C’était le 3 juillet 2011. Adrien Gontier avait décidé de dire adieu aux plats préparés ou surgelés, biscuits variés, pâtes à tartiner et autres sauces toutes préparées.

Une chasse de tous les instants à l’huile de palme, dont la production, considérée comme une calamité environnementale, est responsable d’une déforestation galopante d’une grande partie de l’Indonésie et de la Malaisie.

 

Une année plus tard, l’étudiant strasbourgeois de 26 ans, fait le bilan.

 « L’expérience a été progressive. Au fur et à mesure de mes recherches, je découvrais constamment de nouveaux produits contenant de l’huile de palme, explique-t-il. Ce n’est finalement qu’aujourd’hui que je pense l’avoir en grande partie bannie. » Car cette matière grasse bon marché se cache dans la moitié des produits vendus en supermarché : dans les rayonnages d’alimentaire, bien sûr, qu’il s’agisse des plats, boissons, lait pour bébé ou viennoiseries, mais aussi au fond d’une large partie des cosmétiques et des produits d’entretien, tels que les shampoings, gels douche, déodorants ou mousses à raser.

Et à chaque fois, la dénicher se révèle une tâche malaisée tant elle est présentée sous un vocable hermétique et varié. Si, sous sa forme pure, les fabricants parlent de « graisse végétale » ou d' »huile végétale », on retrouve aussi ses dérivés dans les additifs alimentaires (E 304, E 305, E 471) et dans les agents actifs (laurylsulfate sodium, acide palmitique, laureth sulfate, glycéryl stéarate). Pour s’y retrouver, l’étudiant en thèse de géochimie a dressé uneliste de produits contenant de la palme et une liste de noms employés pour la désigner à partir d’informations glanées auprès des industriels et de ses connaissances.

Du côté des repas, Adrien Gontier n’a pas eu l’impression de se priver : déjà habitué à manger des produits « sains », il a opté pour des plats maison, à partir d’aliments bruts et simples, souvent locaux et bio. « Je me suis par contre aperçu que l’huile de palme était aussi présente dans nombre d’aliments biologiques et équitables, se désole-t-il. Les étiquettes, plus transparentes que celles des produits conventionnels, la présentent souvent comme durable, avec le label Table ronde sur l’huile de palme durable (RSPO). Mais en réalité, des rapports d’ONG ont prouvé que cette certification était un leurre. » « Les critères du RSPO sont insuffisants et les contrôles laxistes », dénonçaient ainsi Les Amis de la Terre dans un rapport de mai 2011, estimant que certaines entreprises auraient recours à des plantations « vitrines » pour continuer à raser les forêts à tout va.

 Là où l’expérience s’est vraiment corsée, c’est lorsque Adrien Gontier a dû choisir des cosmétiques et des produits d’entretien : « Tous les flacons vendus en supermarché contiennent de l’huile de palme. J’ai donc dû trouver des crèmes au beurre de karité, opter pour un rasoir électrique, et j’avais toujours un savon naturel, à base d’huile d’olive et de levure, sur moi, afin de l’utiliser dans les lieux publics à la place des ‘pousse-mousse’ traditionnels. Ce n’était pas vraiment pratique… Pour nettoyer mon appartement, j’ai utilisé du bicarbonate, du savon noir, du vinaigre et des huiles essentielles. »

Dernière étape de l’expérience : Adrien a découvert que l’essence de sa voiture contenait elle aussi un peu d’huile de palme. Sur les 10 % d’agrocarburants imposés par l’Union européenne dans la composition du diesel, 1 % est ainsi constitué d’huile de palme, soit l’équivalent de deux cuillères à soupe pour un plein de 50 litres. « Cela semble négligeable, concède Adrien Gontier, mais cette quantité devient importante lorsqu’on la multiplie par le nombre de voitures en circulation. Sans compter que d’autres pays européens en consomment plus : en Italie, par exemple, on trouve un litre d’huile de palme par plein d’essence. » Au total, sur les 5 millions de tonnes de palme importées chaque année en  Europe, un million se retrouve englouti par les agrocarburants, selon les chiffres du département d’agriculture américain de 2005. »J’ai donc essayé tant que possible de minimiser mes trajets en voiture et privilégier les transports en commun et le vélo. Mais ce n’était pas évident tout le temps », reconnaît l’étudiant.

« Au final, vivre en réduisant la consommation d’huile de palme est possible à condition de limiter les produits industriels et en lisant attentivement les étiquettes, conclut-il. Maintenant que j’ai pris le pli, je vais poursuivre mes efforts, sauf pour les sorties chez des amis ou restaurants, car c’était trop difficile. »

Et ensuite ? l’étudiant a pensé à d’autres challenges : vivre un an sans soja, dont la culture accentue la déforestation en Amazonie, sans téléphone portable, pour dénoncer l’extraction des minerais par des enfants en Afrique, ou sans déchet (avec seulement un kg par personne et par an contre 350 kg actuellement en France). Mais ce sera après l’écriture de sa thèse.

 

 

Source : http://ecologie.blog.lemonde.fr – Audrey Garric
 
 
 
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