Munich : Une eau propre et bien gerée

Pour s’assurer de disposer d’une eau pure, la capitale bavaroise a décidé de subventionner l’agriculture sans pesticides dans les exploitations des environs. Vingt ans après le début de l’expérimentation, les résultats sont spectaculaires.

Vallée du Mangvall

Vallée du Mangvall

Après quelques kilomètres à remonter la vallée du Mangfall, dans les Alpes bavaroises, Rainer List arrête sa voiture à l’abord d’un champ. « Voilà, nous y sommes ! » Le directeur du service des eaux de Munich, en Allemagne, embrasse du regard la forêt alentour, les champs couverts de feuilles mortes, les montagnes déjà saupoudrées de neige. Puis il pointe le sol du doigt : « C’est d’ici que vient la plus grande partie des 320 millions de litres d’eau dont Munich a besoin chaque jour. » 40 mètres sous ses pieds se cachent de colossales réserves d’eau? bio.

De l’eau bio ? En théorie, cela n’existe pas. En pratique, 1,4 million de Munichois en boivent tous les jours. Sur les 60 kilomètres qui séparent la vallée du Mangfall de la capitale bavaroise, il ne se trouve en effet pas une usine de traitement, pas un filtre chimique, pas une paire de petites mains ajoutant un peu de chlore ici ou là, histoire de tuer une bactérie. Comment est-ce possible ? Depuis vingt ans, la ville a mis en place un système révolutionnaire de gestion de l’eau : elle subventionne les agriculteurs installés dans la zone de captage pour qu’ils cultivent en bio.

L’idée : « Si la surface de la terre est propre, l’eau en sous-sol ne peut pas être sale », résume Rainer List.

A l’origine de ce changement de mentalité, il y a la prise de conscience par la municipalité, au début des années 1990, que la qualité de l’eau est menacée par l’emploi de produits chimiques pour l’agriculture. Le laboratoire de contrôle de l’eau de Munich constate en effet que les taux de nitrates augmentent dans les zones de captage de manière continue et de plus en plus rapide. De 1962 à 1992, ils sont passés de 2 milligrammes par litre (mg/l) à 15. C’est encore loin du maximum autorisé de 50 mg/l, mais « notre souhait n’est pas de respecter des taux maximums mais d’établir constamment de nouveaux minima, signes de qualité pour le consommateur », rappelle Rainer List. Il se forge chez les décideurs de l’époque une conviction alors rare : le plus grand nombre d’agriculteurs possible doit passer au bio afin de diminuer le volume de pesticides imprégnant la terre et préserver l’eau en sous-sol.

Vingt ans après, le programme est une réussite.

150 exploitants agricoles ont franchi le pas du conventionnel au biologique, convaincus notamment par une subvention annuelle oscillant entre 160 et 310 euros par hectare. Avec 3500 hectares, ils cultivent aujourd’hui la plus grande superficie biologique d’Allemagne  et assurent, jour après jour, une eau d’une qualité irréprochable à la métropole bavaroise. Les analyses qualitatives des dernières années, scotchées sur l’une des portes vitrées du service des eaux de Munich, le prouvent. Toutes les courbes symbolisant les taux de polluants se situent à des niveaux plancher. Les quelque 60 tests de qualité réalisés quotidiennement évaluent les nitrates à un taux de 6,6 mg/l. C’est presque dix fois moins que ce qu’autorise la législation européenne, cinq fois moins qu’à Paris, trois fois moins que les taux constatés dans la plupart des grandes villes d’Allemagne. En Bretagne, terre particulièrement polluée par cette substance, la barrière des 50 mg/l est souvent dépassée. « Cela montre très clairement que la façon dont on cultive dans les zones de captage a une influence directe sur la qualité de l’eau », tranche Rainer List.

Une addition pas plus salée

Si les sols denses de la vallée du Mangfall filtrent l’eau de pluie de manière particulièrement efficace, toutes les régions auraient intérêt à tester l’agriculture bio, estime le directeur du service des eaux. « Bien sûr, on peut laisser pénétrer toutes les substances nocives dans le sous-sol et mettre ensuite en branle une usine de traitement pour récupérer de l’eau potable. Mais on peut aussi faire la démarche inverse. Il faut se poser la question à long terme : quel est le plus logique ? » Sur le plan international, l’expérience munichoise suscite la curiosité. Le ministère français de l’Ecologie a récemment envoyé une délégation s’informer sur le système. Avant, il y avait déjà eu des Chinois, des Brésiliens ou des Tchèques. Quant aux critiques, personne n’en formule, car personne n’en trouve ! Même le prix ne pose pas problème. L’eau de Munich est l’une des moins chères d’Allemagne : 1,58 euro le mètre cube contre 1,91 euro dans le reste du pays. Rainer List en rigole : « C’est normal, cela coûte moins cher d’investir dans les vaches que dans une usine de traitement ! » ?

 

Source : www.terraeco.net

Ce contenu a été publié dans Ecologie, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.