Pollution : Quand la Chine s’étouffe

«Le smog est si épais que je n’arrive plus à distinguer l’immeuble en face de chez moi. Je n’ose plus mettre le nez dehors, ça me rend malade», raconte Gao, une journaliste retraitée qui vit dans la banlieue de Pékin.

Le taux de concentration des microparticules dans l’air de la capitale tourne depuis une semaine autour de 400 à 500 microgrammes par mètre cube – soit 16 à 20 fois le maximum conseillé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). «Les gens sont de plus en plus exaspérés», note Gao.

A Shijiazhuang, une ville industrielle proche de Pékin où la concentration des microparticules dans l’air dépasse parfois 900 (36 fois le niveau maximum conseillé par l’OMS), un habitant a osé, mardi, porter plainte contre la municipalité. L’audacieux, Li Guixin, accuse les autorités de ne rien faire pour «contrôler la pollution» et ainsi de«faillir à son devoir». Il réclame qu’on lui rembourse l’argent qu’il a dépensé pour acheter les masques chirurgicaux qu’il porte en extérieur, un appareil à nettoyer l’air, et une machine à faire de l’exercice en intérieur. Il y a peu de chance que le tribunal accepte sa plainte, puisqu’elle met en cause les autorités.

Alors qu’une grande partie du nord de la Chine étouffe depuis plus d’une semaine sous un écœurant nuage de pollution, la presse officielle s’emploie à relativiser les effets de ces vapeurs toxiques sur la santé. «Le degré de risque des microparticules, même si celles-ci sont de taille identique, varie grandement selon leur composition, s’accordent à dire les experts», lit-on aujourd’hui dans le China Daily.

Le quotidien Huanqiu assure de son côté que «la cause de la pollution est inconnue» et qu’«il n’y a pas d’explication scientifique fiable sur l’origine de ce problème d’air». Un général de l’armée de terre a de son côté déclaré sur la chaîne nationale que le brouillard polluant avait «certains avantages», comme celui de dissimuler les cibles aux missiles de croisières américains au cas où Washington attaquerait la Chine…

La police de l’Internet, pour sa part, s’emploie à censurer les réactions exaspérées des Chinois confrontés, surtout dans le nord-est du pays, à un air irrespirable. Une étude scientifique chinoise concluant que Pékin n’était «plus adapté à la vie humaine» a disparu d’Internet sitôt qu’elle a été publiée. Idem pour un tweet publié sur le microblog de la télévision officielle CCTV, qui accusait la semaine dernière la municipalité de Pékin de passivité. Son auteur, un employé de CCTV, aurait été depuis rétrogradé dans ses fonctions. Pékin s’est néanmoins décidé le lendemain à mettre en place le «plan d’alerte orange» contre la pollution qu’il aurait dû déclencher depuis plusieurs jours déjà. Celui-ci recommande la fermeture de certaines usines, une réduction du nombre des voitures sur les routes et décourage les activités sportives extérieures dans les écoles. Mais personne n’est allé vérifier pour savoir si il était appliqué.

Les autorités assurent depuis des années qu’elles prennent le problème à bras-le-corps, mais entre-temps la pollution n’a fait que s’aggraver. Le représentant de l’OMS à Pékin, Bernhard Schwartlander a cru bon de rappeler cette semaine qu’il est «bel et bien prouvé que sur le long terme, de hauts niveaux de pollution peuvent, entre autre, provoquer des cancers du poumon». Sans surprise, son diagnostic n’a pas été répercuté dans les médias officiels, pas plus que celui de Bai Chunxue, un expert shanghaïen des maladies respiratoires. Celui-ci prévoit en Chine «une multiplication des maladies respiratoires, cancer du poumon, asthme, pneumonie et maladies cardiaques». Plus catégorique encore, l’ancien ministre chinois de la Santé, Chen Zhu, confiait voilà quelques mois au journal médical britannique The Lancet que la pollution en Chine provoque déjà chaque année entre 300 000 et un demi-million de morts prématurées.

Source : liberation.fr – Par Philippe Grangereau
 
 
 
 
 
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