Dans les micro-fermes on soigne la terre

Près des boucles de la Seine, la micro-ferme normande bio de Linda et Edouard est noyée dans une immensité de champs de blé: derrière une triple haie d’arbustes, les courges et les pommiers profitent d’un pâle soleil d’automne.

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Litière de feuilles de platanes, traces du travail des vers de terre

« Comme nous travaillons en agro-foresterie, la première chose que nous avons faite est de planter plusieurs rideaux de végétation pour nous séparer du voisinage, car nous travaillons sans pesticides« , raconte Linda Bedouet, 35 ans qui s’est installée en janvier 2012 avec son compagnon Edouard Stalin, 33 ans à Bouquetot (Eure).

Un agriculteur de micro-ferme ne peut en théorie pas exploiter plus d’un hectare. Le but est de produire un maximum de fruits et légumes sur une toute petite surface, par une bonne gestion agronomique des sols, avec un recours minimal aux énergies fossiles et engrais de synthèse. Le tout de façon rentable.

Souvent nichées aux alentours des villes, ces structures, appelées à se multiplier, étaient vues il y a peu encore comme des utopies, réservées aux rêveurs d’un incertain retour à la terre.

« Lorsque nous nous sommes installés, nos voisins, trois frères qui exploitent des centaines d’hectares de blé, semblaient plutôt curieux de nos méthodes, et accueillants », raconte Linda, qui travaillait auparavant dans l’immobilier à Paris. « Mais nous n’avons plus eu aucune relation depuis qu’un de leurs salariés a un jour labouré notre prairie fleurie sur deux mètres ». Car en agro-écologie, bio de surcroit, on ne laboure pas la terre. On la nourrit.

Selon Linda, sa terre n’avait « plus de vie » lorsque la candidature du jeune couple a été retenue par la Safer pour l’attribution des deux hectares, pourtant convoités par des céréaliers du coin. Usée par le blé, les traitements chimiques et les roues des énormes tracteurs.  « Pendant deux ans, nous avons soigné la terre, avec de l’humus, et en semant des jachères » fleuries, dit-elle.

Aujourd’hui, elle voit une nette amélioration. L’absorption de l’eau se fait mieux, « on a beaucoup de vers de terre, et d’insectes qui sont revenus ».

Les plantes sont associées selon leur complémentarité. Les pois ou légumineuses, qui nourrissent le sol en rejetant de l’azote, sont cultivés près des pommes de terre. Le jeune couple reproduit ses semences et fait des échanges de graines. Un travail de chaque instant. Actuellement, une centaine d’espèces végétales « de 500 variétés » sont cultivées, selon Linda, passionnée de physalis, concombres mexicains et autres tomatillos.

Très enthousiaste, la jeune-femme prépare pour février un livre, « Créer sa micro-ferme », préfacé par Pierre Rabhi et Nicolas Hulot, pour « éviter les pièges » au démarrage.

Les deux jeunes gens admettent vivre « de peu ». Ils consomment leur propre production, habitent une maison qui appartient aux parents d’un des deux (à qui appartient aussi la terre, NDLR). Ce qui facilite grandement le démarrage. Le chiffre d’affaires tiré de la vente des produits leur rapporte quelque 60.000 euros par an, leur permettant de dégager « un petit smic par personne ». « La ferme est rentable » affirme Linda. « Et nous partons une fois par an en vacances, en hiver, y compris à l’étranger », dit-elle.

Les deux jeunes gens ont beaucoup de projets, notamment la transformation de fruits à domicile pour réduire le gaspillage au moment de la récolte. Ils sont en train de s’équiper pour faire des compotes, jus et sirops, et pensent aussi lancer des « cuirs de fruit », à grignoter, sans sucre ajouté. Depuis leur installation, ils ont pu s’acheter une serre par an, et, devant le peu d’enthousiasme des banquiers, ont fait appel au financement participatif pour construire un bâtiment de 50.000 euros cette année.

« Nous avons eu 369 contributeurs de toute la France, et même de l’étranger. En échange, nous leur donnons des cours d’agro-écologie, de reproduction de semences ou de cuisine » dit Linda.

L’association « Fermes d’avenir » qui encourage ces installations en recense 38 sur son site internet. L’une des plus connues des nouvelles micro-fermes est celle du Bec Hellouin (Eure). Elle figure dans le documentaire « Demain » de Cyril Dion et Mélanie Laurent qui a fait un carton en 2015.

L’association estime que le potentiel en France est de 50 à 100.000 nouvelles micro-fermes, investissant entre 50.000 à 250.000 hectares, ce qui engendrerait entre 100 et 200.000 emplois, pour des retombées économiques de l’ordre de 3 milliards d’euros par an.

 

Source : BOUQUETOT (France), 19 nov 2016 (AFP)
Crédit photo : Par Lamiot (Travail personnel) [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html) ou CC BY 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/3.0)], via Wikimedia Commons

 

 

 

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