Génie des sciences, Marie Curie a toujours fait en sorte que ses découvertes soient mises au service du plus grand nombre. Voici le portrait d’une scientifique engagée.
Première femme à recevoir le Nobel, elle est l’une des plus grandes scientifiques du XXe siècle. Mais Marie Curie ne fut pas qu’une savante studieuse dans son laboratoire. Son parcours fut animé par un engagement infaillible pour les droits des femmes, l’émancipation par le savoir, le progrès social, la paix entre les peuples.
Maria Skłodowska naît à Varsovie en 1867, d’un père professeur de mathématiques et d’une mère institutrice. Élève brillante, elle participe très tôt à “l’université volante”, une école clandestine pour l’éducation populaire des Polonais, à une période où la Pologne est sous la domination de l’empire russe.
Elle s’identifie au courant positiviste d’Auguste Comte qui cherche à comprendre le monde grâce à la science. Après des études en sciences physiques à Paris, la prodige réalise une thèse sur les substances radioactives. Elle envisage de rentrer en Pologne et former la nouvelle génération de scientifiques, mais renonce par amour pour un autre savant, Pierre Curie.
Marie Curie fréquente une communauté de scientifiques dreyfusards, laïcs, républicains et progressistes.
Elle obtient le Nobel de physique à 36 ans, pour ses travaux sur la radioactivité et réussira l’exploit d’obtenir une 2e Nobel en chimie à 44 ans. Mais la gloire et les lauriers l’intéressent moins que l’utilité publique de ses découvertes.
“Notre société […] ne se rend pas compte que la science est à la base de tous les progrès qui allègent la vie humaine et en diminuent la souffrance.”
En 1906, Pierre Curie meurt, renversé par une calèche. Marie Curie est chargée de le remplacer à la Sorbonne. Malgré la douleur et le deuil, elle donne une brillante leçon inaugurale. Une première dans cette prestigieuse université française, et un affront pour certains confrères masculins. Elle devient aussi la première femme à diriger un laboratoire universitaire et y embauchera de nombreuses femmes scientifiques qualifiées.
La scientifique aurait pu devenir très riche si elle avait breveté certaines de ses découvertes. Pourtant, elle considérera toute sa vie que “les découvertes appartiennent au peuple”. tout au long de sa carrière, ses travaux sur la radioactivité permettent des progrès médicaux déterminants, notamment dans la recherche contre le cancer. En 1914, l’Institut du radium est d’ailleurs inauguré pour encadrer l’ensemble de ses recherches. Mais lorsque la guerre éclate, elle mobilise son réseau pour contribuer à l’effort de guerre.
Sur le front pendant la Grande guerre
Grâce à elle, 18 ambulances sont créées, avec du matériel médical pour faire des radiographies. Ces 18 “ petites Curies” permettent de prendre en charge les blessés sur le front. Grâce aux radiographies, les chirurgiens repèrent les éclats d’obus dans les blessures. Des dizaines de milliers de soldats français sont ainsi sauvés. Marie Curie conduit elle-même l’une de ces ambulances, accompagnée de sa fille.
Malgré son aura internationale, elle évite de prendre parti lors de grands débats politiques, mais proteste publiquement contre l’incarcération d’une suffragette en 1921 et se prononce contre la peine de mort.
Marquée par la guerre, elle comprend l’importance de réconcilier les nations par la coopération scientifique, en participant avec Einstein à une organisation qui est l’ancêtre de l’Unesco.
Jusqu’à sa mort, elle dirige l’institut du radium, œuvrant pour la recherche sur le cancer. Mais son engagement pour la science a un prix. À 66 ans, une leucémie l’emporte, causée par les matériaux radioactifs qu’elle a manipulés. Irène, l’une de ses filles dira longtemps après qu’elle aimait chez sa mère “son féminisme intransigeant, sa révolte contre l’état social actuel, son désir passionné de voir se réaliser une entente pacifique entre les peuples”.
Source : France Culture – 11/03/2020 Par Yann Lagarde
Crédit photo : Henri Manuel (died 1947) / Public domain