Dans ce « Tête-à-tête », l’homme de théâtre Didier Bezace revient sur ses 40 ans de parcours du Théâtre de l’Aquarium à Vincennes au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers : les origines adolescentes de son goût pour la scène, ou ses choix toujours engagés pour un théâtre populaire.
Comédien, il l’est quand il a le temps, pour Bertrand Tavernier, Claude Miller, André Téchiné ou Valérie Guignabodet. Mais, depuis 40 ans, il est avant tout metteur en scène de théâtre, de l’Aquarium à la Cartoucherie de Vincennes créé en 1970 au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers qu’il dirige depuis 15 ans, il aime transformer des romans ou des films en pièces de théâtre, en spectacle dont il est l’auteur. Trois Molières ont déjà récompensé son travail.
La représentation théâtrale c’est, pendant un temps donné, la fabrication d’une conscience collective à travers deux collectivités, celle de la salle et celle du plateau.
Didier Bezace insiste sur l’importance de la mise en scène au théâtre, « c’est un art de la transmission, […] c’est une esthétique et parfois même une histoire de morale« , affirme-t-il. Il s’explique sur son envie d’adapter pour la scène des œuvres romanesques ou autres. À l’Aquarium, la troupe voulait en fait « inventer un répertoire » et cela lui a donné le goût « d’aller enquêter, presque, dans une oeuvre » et de la raconter, de la transmettre. Il se voit d’ailleurs plus comme un « auteur de spectacle« . Spontanément, sans qu’il se l’explique, il s’est toujours senti attiré par des récits où le peuple rencontre l’Histoire mais souvent « elle se fait sur leur dos et souvent ce sont des gens qui essaient de résister« , observe-t-il.
Il revient sur l’histoire du Théâtre de la Commune à Aubervilliers qui, à un moment, s’est coupé de son public populaire en devenant en quelque sorte une scène « off » de Paris : « Je n’ai jamais voulu renoncer à la création, à des œuvres souvent ambitieuses, parfois ardues« . De son expérience comme directeur de ce théâtre qu’il dirige depuis 15 ans, il en retient « que tout le monde a le droit au mieux, au plus haut à condition que ça se passe dans une logique de partage« . Et il pense que grâce à une programmation volontariste y être « arrivé plusieurs fois de manière assez jolie« .
Il se souvient de ses premières expériences de théâtre, il pense que face à une « insatisfaction du réel » à l’adolescence, « c’est tentant d’aller fabriquer des contes de fiction pour exister autrement« . Ensuite, c’est l’apprentissage du métier de comédien et celui de metteur en scène qui se sont tous les deux insérés, pour lui, dans « une aventure collective« .
« On pensait que le théâtre était un outil parmi d’autres pour changer le monde » confie-t-il et cela peut faire sourire maintenant mais Didier Bezace tient bon, surtout en cette période de crise. « Une forme de culture si elle est ambitieuse, si elle est généreuse, est absolument essentielle pour résister à une fatalité qui s’abat sur tout le monde« , affirme-t-il.
Le théâtre public a aidé à développer l’art de la mise en scène et c’est très important. On ne peut pas dire que le théâtre c’est simplement un auteur et des acteurs, ce n’est pas vrai. Il y a un espace, des images, une esthétique…
En tant que directeur d’un théâtre à Aubervilliers, il ne veut surtout pas endosser une casquette « d’animateur socioculturel » : « Là où on décide d’aller, si c’est en banlieue en tous les cas, il faut être des artistes à part entière.«
Comédien à ses heures perdues, on le voit un peu au cinéma, plus à la télévision, mais c’est par manque de temps qu’il ne joue pas plus. « Le plaisir de jouer, d’être devant une caméra ne m’a pas quitté du tout. […] Tourner, c’est jubilatoire !« , conclue-t-il.
Source : France Culture
Crédit photo : G.Garitan / CC BY-SA (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)