Sept candidats devant les militants de l’environnement

France Nature Environnement attend que les candidats se prononcent clairement sur les questions environnementales, dans une campagne marquée par la crise économique.

François Bayrou, François Hollande, Eva Joly, Corinne Lepage, Jean-Luc Mélenchon, Hervé Morin et Dominique de Villepin ont dit qu’ils y seraient. Samedi 28 janvier à Montreuil (Seine-Saint-Denis), le congrès de France Nature Environnement (FNE) est l’endroit à ne pas manquer pour les candidats à l’élection présidentielle.

Doivent aussi s’y croiser la ministre de l’écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, et certains de ses prédécesseurs, des responsables des milieux économiques et des syndicalistes. Les militants les attendent de pied ferme avec leurs propositions regroupées dans l’Appel des 3 000, en écho aux 3 000 associations composant le mouvement, qui revendique plus de 800 000 adhérents. Le « grand oral » des candidats sera mis en ligne par la fédération.

Le dispositif rappellerait la précédente campagne présidentielle, si le contexte n’était aussi différent. En 2007, porté par Nicolas Hulot et son Pacte écologique, les thèmes écologistes avaient connu un fort retentissement qui s’était traduit quelques mois plus tard par les rencontres du Grenelle de l’environnement, organisé par Nicolas Sarkozy. Ces temps de démocratie participative avaient galvanisé les associations, notamment FNE et l’Alliance pour la planète qui en revendiquaient en partie la paternité.

C’est peu dire que le soufflet est retombé depuis. Le mouvement n’est plus incarné par une figure médiatique, populaire et politique. Aucun candidat à l’élection ne s’est saisi de ce vaste dossier et l’ancien président du Grenelle, le chef de l’Etat en personne, estime désormais que l’environnement, « ça commence à bien faire ». Surtout, la crise économique est venue occuper le devant de la scène.

« Le débat actuel sur l’environnement est surdéterminé par les problèmes d’endettement et les contraintes financières », regrette Jean-Pierre Bompard, conseiller de la CFDT et ancien acteur du Grenelle. Nombre de mesures décidées en 2007 se sont enlisées dans les couloirs du ministère de l’économie. Pour Adelaïde Colin, directrice de la communication de Greenpeace, organisation membre de FNE sans y être très impliquée, « un des échecs a été de ne pas avoir réussi à faire des propositions écologiques une partie des solutions à la crise économique ». Résultat, « l’écologie est toujours vécue comme un coût ».

« Les ONG sont amères, mais elles portent une part de responsabilité, analyse pour sa part Guillaume Sainteny, titulaire de la chaire de développement durable à l’Ecole polytechnique. Elles continuent de réclamer des parcs naturels et des subventions comme si le monde n’avait pas changé. Leur culture économique n’est pas suffisante, or la fiscalité constitue l’unique marge de manoeuvre. »

« IL FAUT CHANGER DE MODÈLE ÉCONOMIQUE »

Multiplier les propositions, organiser un deuxième Grenelle ne servirait à rien, explique en substance Christophe Aubel, le délégué général d’Humanité et biodiversité, l’ancienne Ligue ROC. « Il faut changer de modèle économique, insiste-t-il, pas seulement infléchir la trajectoire mais en changer. »

Malgré tout, FNE a choisi de montrer, à trois mois de la présidentielle, l’importance de son réseau, qui va de grandes organisations comme la Ligue française de protection des oiseaux aux plus petites associations locales. En rédigeant de nombreuses propositions, les militants ont retroussé leurs manches « sans se complaire dans l’apocalypse », estime Bruno Genty, son président. Echaudé, il ne demande pas d’engagement sur un pacte global. Son mouvement n’entend pas donner de consigne de vote, mais « le meilleur candidat sera celui qui s’appropriera le plus grand nombre de nos mesures ».

« Cette confrontation est une excellente initiative, s’enthousiasme Arnaud Gossement, avocat spécialiste de l’environnement et ancien porte-parole de FNE. Elle va forcer les candidats à affiner leurs réflexions. Face à des gens qui militent depuis quarante ans, des experts, s’ils ne se mouillent pas, vont se faire siffler. »

Pourtant, le défilé des candidats ne saurait masquer les bégaiements du dialogue entre associatifs et politiques. « Les défenseurs de l’environnement sont toujours surpris par le manque de réaction des décideurs face à des problèmes aussi importants que le changement climatique, observe Daniel Boy, du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Dès lors, il existe deux voies : soit faire le tour des popotes des partis, ce qui ne fonctionne pas très bien, soit se lancer dans la course, ce qui a donné Europe Ecologie-Les Verts (EELV). »

« LA PAROLE DE LA SOCIÉTÉ N’A PAS TROUVÉ DE SECOND SOUFFLE »

En 2007, le Pacte de Nicolas Hulot avait pesé, tout comme la mobilisation des associations. « C’est ensemble que ces forces ont introduit de l’environnement dans le discours des candidats, observe l’ancien directeur de campagne de Nicolas Hulot, Jean-Paul Besset, aujourd’hui député européen (EELV). Mais cette fois, la parole de la société n’a pas trouvé de second souffle. » Faute de carrure pour l’incarner, elle fait du surplace…

Tous les acteurs le reconnaissent. « Il y a une certaine paralysie dans FNE liée entre autres à un problème de leadership », remarque M. Bompard. Le médiatique président d’Humanité et biodiversité, l’astrophysicien Hubert Reeves, membre – entre autres – de FNE, regrette « l’aura de Nicolas Hulot » et se dit « prêt modestement à apporter sa pierre ». Comme Anne-Marie Ducroux, présidente de la section environnement du Conseil économique, social et environnemental, chacun évoque une nouvelle dynamique à inventer.

« N’ergotons pas sur l’absence de porte-parole, s’agace Bruno Genty, au nom de FNE. C’est toute la société qui doit se saisir du débat. » Le défi n’est pas évident par ces temps de chômage massif. « L’environnement est sérieusement retombé dans nos enquêtes d’opinion, confirme Daniel Boy. Le discours sur la décroissance est difficile à tenir en période de crise. Eva Joly a parlé d’un million d’emplois verts, mais les centaines de milliers d’emplois annoncées par Jean-Louis Borloo,  les gens les attendent toujours… »

 

Source : Le Monde – 28 01 2012 – Rémi Barroux et Martine Valo
 
 
 

 

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