Elles sont commercialisées sous un nom vraiment trompeur, les « baby carotts » sont en fait, de simples carottes découpées. Et certaines viennent en plus du bout du monde. Un gâchis inutile.
Lors d’un pique-nique ou à l’apéro, mes mains ont à plusieurs reprises pioché dans un bol de « mini-carottes ». Sans prêter attention à ce mets nouveau, je l’avais pris pour un mini-légume comme les autres, un cousin de la tomate-cerise et du mini-chou-fleur.
Et puis le mythe s’est effondré. Jean-François Chemouni, dirigeant de la société CS Fruits et spécialiste des mini-légumes à Rungis, m’a confirmé que les vraies mini-carottes sont « un produit de niche et de luxe, qu’on vend d’ailleurs surtout à la période de Noël ». Du coup, la grande majorité des mini-carottes qu’on avale n’en sont pas. Ce sont en fait des carottes entières qui ont été nettoyées, envoyées sur un tapis roulant, tronçonnées, pelées, polies et emballées de manière industrielle.
La bonne idée mal recyclée : Ces « bébé-carottes » au nom trompeur sont nées en Californie, au début des années 1980, de la main de Mike Yurosek. L’agriculteur avait trouvé une solution de génie pour ne plus jeter les carottes trop difformes ou trop moches qui poussaient dans son champ.
Il s’est mis à les découper en petits morceaux pour les commercialiser en tronçons. Trente ans plus tard, la société de Mike a été rachetée, et cette astuce locale est devenue un business florissant et mondialisé. Un tiers des carottes fraîches vendues aux États-Unis le sont sous la forme de « bébés-carottes ». Deux entreprises, Grimmway Farms et Bolthouse Farms, installées dans le même et unique ville de Bakersfield en Californie, se partagent 90% du marché national.
Elles n’utilisent pas les restes des champs du coin, c’est bien dommage, mais cultivent une espèce particulièrement adaptée à cette découpe, la longue, fine et sucrée carotte Imperator. Avec un marketing agressif elles essayent de remplacer les chips par des « baby carrots » dans le cœur et dans l’estomac des jeunes Américains.
Mais revenons à nos moutons, à savoir à nos apéros et aux mini-carottes qu’on y sert. En cherchant sur les étals de mon supermarché parisien, j’ai trouvé un paquet de « baby carrots » de marque Florette ( voir photo ci-dessus ) , vendu au prix de 2,47 euros les 250 grammes. Au dos de ce produit, leader du marché français, la mention qui tue : l’ingrédient principal vient des États-Unis. Gloups. Ces carottes viennent donc très probablement de Bakersfield, la capitale de la « baby carrot », et sont venues en France par avion. Mais pourquoi faire venir ces morceaux de carottes de l’autre bout du monde ? Ce ne serait pas moins cher, meilleur pour l’environnement et pour la santé – plusieurs études confirment que la qualité nutritionnelle d’un légume non congelé se dégrade avec le temps– de les produire en France ? Voire de transformer les carottes moches de France ?
On peut faire autrement : A toutes ces questions je n’aurais pas de réponse, puisque Florette n’a pas répondu à nos sollicitations. Mais tout n’est pas perdu.
Une marque, la Ferme à Jules, cultive de l’Imperator destinée à la découpe en Haute-Garonne et dans le Morbihan et commercialise chaque jour entre 2000 et 5000 paquets de mini-carottes, principalement en région parisienne. Le tout à moindre coût (environ 50 centimes de moins) parce que, assure le fondateur Jules Becquet, « on ne doit pas payer un transport par avion ». Celui-ci reconnaît que son produit puisqu’il est conditionné donc consommé plus tard a moins d’intérêt nutritionnel « qu’une carotte qui sort tout juste du champ » mais rappelle que « le vrai concurrent de la mini-carotte, c’est la chips ». Et cerise sur le « carrot cake », le producteur envisage de passer sa production en bio. Si vous voulez acheter ces légumes préparés plutôt que faire la découpe à la maison, celles-ci pourraient vous éviter le « baby-carott » blues.
Les dessous de ‘Carrot city » : C’est dans la ville californienne de Bakersfield que naissent 85 % des carottes (mini et « classiques ») consommées aux Etats-Unis. Autour s’étend la Grande Vallée de Californie. On y trouve le plus grand producteur de tomates – en boîtes – au monde et les principaux fournisseurs de melons, d’asperges et de pistaches du pays.
Pourtant les habitants ne profitent guère de cette situation : la région est gravement polluée et un quart de la population souffre d’insécurité alimentaire, un record national.
Source : terraeco.net